samedi 16 avril 2011

Pour Veolia, la moralisation du capitalisme passe par la Belgique

 

Impressionnante « optimisation fiscale » en Belgique 

Veolia Environnement a en effet mis en œuvre depuis janvier 2008 d’impressionnantes pratiques « d’optimisation fiscale » en Belgique.
Elle y a en transféré, en deux virements successifs, un total de près de 3 milliards d’euros de ses fonds propres sur les comptes de son bureau de lobbying européen, transformé pour l’occasion en une société dénommée « Veolia Environnement Europe Services ».
D’après les statuts initiaux de « Veolia Environnement Europe Services », et ses premiers comptes annuels, l’un des objets de la société est de servir de « banque interne » au groupe, en accordant des prêts à ses différentes filiales européennes
Cette discrète filiale exotique de Veolia pratique également la « couverture » des taux de change des monnaies, autrement dit spécule joyeusement sur les devises...


Statut Véolia Environnement Services Europe

Comptes Véolia Environnement Services 2008

La Commission européenne s’émeut 

La Belgique avait mis en place en 2006 un complexe dispositif « d’optimisation fiscale », désormais sulfureux en ces temps de retour à la « vertu entrepreneuriale », système destiné en théorie à attirer les sièges sociaux des entreprises, et à « promouvoir l’emploi » en Belgique…
Ce système, dit des « intérêts notionnels », offre une déduction fiscale pour le « capital à risque ». Le dispositif permet en fait aux entreprises de déduire un intérêt fictif (calculé chaque année en fonction du taux obligataire à 10 ans), lorsqu’elles investissent sur fonds propres. Il est ouvert aux entreprises belges, y compris les PME, et étrangères qui investissent outre-Quiévrain.
L’objectif des « notionnels » était notamment d’offrir une alternative à la disparition des « centres de coordination », massivement implantés en Belgique par les multinationales depuis des lustres, et combattus eux aussi depuis plusieurs années par les autorités communautaires, qui ont fini par obtenir l’extinction, programmée pour l’année 2010, des avantages fiscaux exorbitants dont ils bénéficiaient.
Dans un rapport publié en 2008, la Banque Nationale de Belgique (BNB) soutenait que les « notionnels » avaient renforcé la structure financière des sociétés en Belgique, tout en ne mettant pas en péril les finances publiques. Leur coût pour l’État oscillant, affirmait-elle, à l’intérieur d’une fourchette allant de 140 à 430 millions d’euros par an. Mais d’autres calculs de l’administration des Finances évoquaient un coût de plus de 700 millions annuel. En revanche, l’impact en termes d’activité économique et d’emplois était encore difficile à mesurer, indiquait la Banque nationale dont l’étude portait sur la première année d’application du système.
En Belgique, cette affaire a déclenché un furieux hourvari : de nombreux commentateurs ont accusé l’Etat belge d’y avoir perdu plusieurs milliards d’euros, pour le plus grand profit des multinationales qui se sont ruées sur l’aubaine…
On apprenait de surcroît en février 2009 que les désormais fameux « notionnels » étaient dans le collimateur des autorités européennes. « C’est un coup dur pour la Belgique qui était parvenue à renforcer son pouvoir d’attraction grâce à ce système avantageux instauré en 2006 », commentait en février 2009 le quotidien belge l’Echo.
Il est étonnant qu’il ait fallu trois ans pour que la Commission européenne s’interroge sur ce système. Mais elle aurait réagi, dit-on, à deux plaintes venant de l’étranger, probablement du Luxembourg. Et elle s’apprêtait donc à lancer une procédure en infraction contre la Belgique.
Selon la Commission, le système décourage les entreprises d’investir à l’étranger, car il n’a été adopté par aucun autre Etat de l’Union. Grâce à ces « notionnels », les entreprises comme les banques ont toutefois pu « renforcer leur solvabilité »....
Le contexte conjoncturel difficile n’empêche toutefois pas les autorités européennes de lancer une action contre ce système, qu’elles jugent contraire à la libre circulation des capitaux. C’est en fait un certain « nationalisme » qui est ainsi visé par l’Europe. A ce stade, on ne sait pas comment vont réagir les autorités belges.

Veolia, entreprise citoyenne ? 

Les « intérêts notionnels » permettent donc à Veolia de déduire de son impôt sur les sociétés une proportion fixée arbitrairement (« notionnelle », autre mot pour « fictive »), de son capital social.
Plus Veolia place de fonds dans le capital social de sa filiale belge (3 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien), moins sa maison-mère française, après consolidation des comptes, paiera d’impôts sur les sociétés, en Belgique comme en France.
L’ingenierie financière est décidément sans limites. Pour ce qui est de la « gouvernance » et de la moralité des affaires par temps de crise, c’est évidemment affaire de point de vue...

Cet astucieux montage n’avait pas encore été porté au crédit de la flamboyante « présidence européenne » de la France.
Les « jeunes en alternance » qui vont bénéficier des conseils éclairés de leur mentor Veolia peuvent donc désormais raisonnablement espérer une brillante carrière à la Kerviel. D’autant plus, comme s’en émeut Le Monde du 24 mai 2009, que « La lutte contre la délinquance financière est en régression »

1 commentaire:

sauzon@gmail.com a dit…

Quelle belle culture d'Entreprise, facile de recapitaliser avec l'argent des impots.