Pouvoir d’achat : place aux négociations salariales
La loi sur le pouvoir d’achat, insuffisante et inégalitaire, vient d’être adoptée. La CFDT souhaite dynamiser les négociations salariales de branche pour contrer l’augmentation du coût de la vie.
La loi sur le pouvoir d’achat, promulguée le 9 février, s’est révélée conforme aux annonces faites fin novembre. La monétarisation des comptes épargne-temps et le déblocage de la participation ne sont pas à la hauteur des attentes et des besoins exprimés par la population. L’indexation des loyers sur la hausse des prix et la réduction, à un mois, du dépôt de garantie demandé par les bailleurs vont dans le bon sens, mais le gouvernement laisse de côté la question des aides au logement. Globalement, « ces mesures auront un effet mineur sur la relance du pouvoir d’achat », regrette Laurence Laigo, secrétaire nationale. Les mesures qui concernent le temps de travail, le rachat des RTT, la défiscalisation des heures supplémentaires, « oublient les chômeurs, les employés des petites entreprises, ceux en temps partiel et les ouvriers en annualisation du temps de travail. Elles reposent sur une logique de gré à gré dont la mise en œuvre va remettre en cause les accords collectifs de modulation du temps de travail, dénonce la secrétaire nationale. Par ailleurs, même les salariés relevant de la loi ne sont pas sûr d’en bénéficier : à défaut d’accord collectif, c’est l‘employeur qui décide d’accéder ou non à votre demande en fonction des avantages qu’il y trouve », ajoute-t-elle. Pour justifier la faiblesse des politiques publiques en la matière, le président de la République, le Premier ministre et le ministre du Budget répètent à l’envi que les caisses de l’État sont vides, voire « plus que vides ». Pourtant, « si l’entreprise est au centre du dispositif salarial, elle ne peut pas organiser seule la redistribution des richesses et corriger les insuffisances des politiques économiques et sociales », indique Laurence Laigo. L’absence d’orientation et d’impulsion économique du gouvernement n’en paraît que plus flagrante.
La conditionnalité des allégements de charges. Sur le plan des négociations salariales, la situation se révèle tout aussi compliquée, en raison des allégements de charges sur les salaires allant jusqu’à 1,6 Smic, qui « contraignent les négociations dans un périmètre étroit. L’association Smic-allégements de charges tend à faire du Smic un pôle d’attraction des minima professionnels et à entraver l’ouverture de l’éventail hiérarchique et les déroulements de carrière. Les employeurs utilisent pleinement cette combinaison pour limiter la progression des salaires ». Et les propositions du Conseil d’orientation de l’emploi sur la conditionnalité des allégements de charge sont jugés trop modestes par la CFDT. La DGT (Direction générale du travail) vient d’établir le bilan 2007 des négociations salariales de branche. Il en ressort que les trois quarts des 162 branches de plus de 5 000 salariés disposent d’une grille de salaires démarrant au Smic, contre 60 % fin 2005. Un progrès, certes, mais le rapport relève également l’effet yoyo de l’augmentation du Smic et de son rattrapage par les négociations de branches, et le phénomène continu du tassement des grilles. Il est donc urgent de désolidariser la hausse du Smic de l’évolution des grilles salariales. « C’est en stimulant la négociation de branche que l’on parviendra à augmenter les minima. »
« Plusieurs pays européens font coexister un salaire minimum interprofessionnel et des négociations de branches dynamiques », observe Laurence Laigo. En France, plusieurs branches connaissent de réelles situations de blocage, dont l’alimentation, le commerce de détail et de gros, les grands magasins, les librairies. Selon l’Insee, en 2006, « le salaire net moyen des ouvriers a légèrement diminué après prise en compte de la hausse des prix à la consommation, et celui des employés stagne », après la hausse du Smic en 2005. Et ce, malgré une conjoncture que l’institut qualifie de « relativement favorable » : hausse de 2 % du PIB, baisse du chômage et création de 229 000 emplois. Il est normal, dans ce contexte, que les salariés manifestent leur impatience, comme l’a montré le succès de la journée d’action du 1er février dans la grande distribution (lire l'article). Plusieurs fédérations ont pris des initiatives pour mobiliser leurs militants sur ce thème, parfois en lien avec les fédérations d’autres organisations syndicales. Les secteurs du verre, des télécommunications, du transport routier notamment, s’organisent pour porter des revendications communes. L’augmentation du coût de la vie frappe tout le monde, sans distinction d’âge, de statut, de situation personnelle. Et les mesures décidées par le gouvernement ne concernent qu’une partie de la population. C’est pourquoi la CFDT continue de porter ses revendications pour l’instauration d’une véritable sécurisation des parcours. L’accord sur la modernisation du marché du travail est un premier pas. Elle demande également des mesures qui permettent « d’alléger le poids des dépenses contraintes ». Dans la fonction publique, elle demande « une véritable obligation annuelle de négocier les salaires », dans un contexte de dialogue social plus que difficile. Dans le privé, il devient nécessaire de « garantir, par la négociation, un socle d’augmentations générales qui assure au minimum le pouvoir d’achat des bas salaires », et d’« encadrer les augmentations individuelles en s’appuyant sur la relation entre les classifications et les salaires ». Élément essentiel du niveau de vie, tous les salariés devront avoir accès à la complémentaire santé et à la prévoyance, à l’issue d’une négociation interprofessionnelle. La CFDT demande également qu’aucun travail à temps partiel ne soit rémunéré sous le seuil de pauvreté, actuellement de 817 € par mois.n
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