mercredi 22 février 2012

Parachutage de Borloo: Veolia à vau-l'eau


Parachutage de Borloo: Veolia à vau-l'eau
La polémique du parachutage de Borloo n'est qu'une des difficultés que rencontre Veolia.
REUTERS

Au-delà de la rumeur du parachutage de Borloo, le leader mondial de l'environnement s'enfonce dans les difficultés. Sa situation financière s'aggrave et, désormais, le sort de son président est en jeu. 

J-7: les jours d'Antoine Frérot à la tête de Veolia Environnement paraissent comptés. Le conseil d'administration du 29 février, qui se tiendra à la veille de l'annonce de très mauvais résultats, pourrait entériner le départ du dauphin d'Henri Proglio. Même si les fuites parues dans la presse en début de semaine compliquent le parachutage d'un Jean-Louis Borloo, pressenti pour le poste, la révocation du PDG, promu il y a quatorze mois, ne peut plus être exclue. Officiellement, on lui reproche son incapacité à redresser rapidement un groupe en difficulté majeure. Mais officieusement, son éviction servirait d'autres intérêts. 
Ce rebondissement met en scène, une fois de plus, l'immixtion du pouvoir politique dans la gestion des principales entreprises françaises, la mobilisation des réseaux et des clans pour s'arroger le pouvoir et se distribuer les postes. Il illustre aussi un trait saillant de la Sarkozie, sa proximité avec les grands patrons, et son irrépressible besoin de tirer les ficelles du capitalisme français. 
La crainte de Frérot de ne pas hériter des pleins pouvoirs et du titre de PDG l'a tout simplement paralysé 
Le départ d'Antoine Frérot marquerait le dernier avatar d'un feuilleton déclenché, en 2009, avec la polémique de la double casquette de Henri Proglio, désireux de cumuler la présidence de Veolia et celle d'EDF. Il serait aussi l'épilogue d'une succession mal préparée. D'abord nommé directeur général, Frérot a passé un an... à ne pas contrarier son mentor. "La crainte de ne pas hériter des pleins pouvoirs et du titre de PDG l'a tout simplement paralysé", observe un dirigeant de Veolia. Ainsi, l'ombre écrasante de Henri Proglio, le véritable bâtisseur du numéro un mondial des services aux collectivités, l'a-t-elle empêché de nommer une équipe à sa main tout comme de prendre des décisions radicales. 
Les troupes ont perdu confiance
Pour celui qui fut intronisé PDG en décembre 2010, 2011 aurait dû être l'heure de la consécration. Elle a finalement été une annus horribilis: deux avertissements sur résultat en douze mois, des dépréciations d'actifs, la perte d'importants contrats, la découverte d'une fraude massive aux Etats-Unis et, pour finir, l'annonce, le 8 décembre dernier, d'un plan de cessions draconien mais insuffisant. En Bourse, l'action a continué de dévisser: son cours a encore été divisé par deux en 2011. 
Au siège de l'avenue Kléber, les troupes, inquiètes par la situation désastreuse de l'entreprise, ont perdu confiance. Ces derniers mois, de plus en plus de cadres de la maison rendaient visite en voisin au patron d'EDF, toujours prêt à recevoir ses anciens collaborateurs pour recueillir leurs doléances. Henri Proglio aussi ne cachait plus son inquiétude. En fin d'année, elle a fait place à de la colère lorsqu'il découvre alors le nouveau plan stratégique de son successeur pour sauver la maison. Celui-ci prône la cession de la branche transport et le retrait du groupe d'une quarantaine de pays. Autrement dit, il renie l'héritage et met en relief les erreurs de son prédécesseur. 
C'en est trop. Voilà Proglio décidé à évincer son ancien protégé. Selon Libération du 20 février, les manoeuvres étaient en cours. Le quotidien révèle un accord secret "Proglio-Sarkozy", imaginant un putsch: le débarquement d'Antoine Frérot et le parachutage de l'ancien ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo. Qualifié d'"absurde" par le chef de l'Etat, démenti par l'ex-ministre, ce schéma éventé paraît avoir, à présent, du plomb dans l'aile. 
Proglio appelle Borloo "mon frère"
Sur le papier, il n'avait pourtant rien d'incongru. Pour au moins trois raisons. Tout d'abord, Proglio et Borloo sont proches. Si proches, que le premier appelle le second "mon frère". Sa fille occuperait d'ailleurs un poste chez Veolia en Asie. Ce plan constituait, de surcroît, un joli retour d'ascenseur à l'égard de Borloo qui a beaucoup oeuvré, il y a deux ans, pour la nomination de Proglio à la tête d'EDF. Dans cette hypothèse, deux dirigeants de haut vol auraient épaulé l'homme politique. Denis Gasquet, actuel directeur général exécutif de Veolia, et un financier aguerri, recruté à l'extérieur. 
Au PS, Proglio est surnommé "Ne passera pas l'hiver" 
Ensuite, cette opération aurait permis à Proglio de reprendre la main sur son ancien groupe alors que sa situation chez EDF apparaît fragile. L'hypothèse d'une victoire de François Hollande le menacerait. Au Parti socialiste, Proglio est déjà surnommé "PPH" (Ne passera pas l'hiver). Enfin, le plan avait le mérite pour Nicolas Sarkozy de ménager son ancien allié et de séduire les électeurs du Parti radical. 
A présent, quoi qu'il arrive, ce mauvais feuilleton laissera des traces. Il dessert le chef de l'Etat. Le PS comme l'ensemble des autres partis ont aussitôt dénoncé les "petits arrangements entre amis du Fouquet's", et "un mépris de la République". L'un des grands banquiers de la place qui, dès le 20 février au matin, alertait par SMS le socialiste Michel Sapin, évoque un condensé "de la vengeance publique et politique, des coups bas fomentés par des visiteurs du soir". L'affaire démonétise aussi, en plein lancement de sa campagne, la parole du président. Voilà quelques semaines, au nom d'une République irréprochable, il s'était engagé, lors des voeux aux parlementaires, à ne procéder à aucune nomination à la tête d'une grande entreprise publique avant l'élection présidentielle. Raison de plus pour ne pas se mêler de la gouvernance d'un groupe privé.  

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