dimanche 9 mai 2010

Fraude massive dans une filiale de la SNCF

Des centaines de milliers d’euros auraient été détournées sur les produits vendus à bord de bateaux qui relient Calais à Douvres.


Déjà confronté à de graves difficultés financières, la société SeaFrance, filiale à 100 % de la SNCF, doit désormais faire face à des soupçons de fraude massive sur les ventes à bord de ses bateaux qui relient Calais à Douvres. Le parquet de Boulogne-sur-Mer a en effet ouvert le 19 avril une information judiciaire pour « abus de confiance » et « faux et usage de faux en écriture privée », à la suite d’une plainte contre X déposée par la direction de la compagnie maritime.
La justice s’appuie également sur un courrier que lui a adressé le commissaire aux comptes de SeaFrance. Dans la note de synthèse de son enquête réalisée en décembre 2008 et mars 2009, dont « le Parisien »-« Aujourd’hui en France » s’est procuré une copie, l’expert pointe une série de dysfonctionnements et de pratiques douteuses. Selon lui, « il semble manifeste et avéré que des fraudes puissent être commises par le personnel de SeaFrance ».

Des justifications fantaisistes

Le commissaire aux comptes s’est tout particulièrement intéressé au retour d’articles, vendus en 2008, dont le montant représentait 610 000 £, soit 720 000 € . Un montant exorbitant sur les 35 M € de chiffre d’affaires réalisé cette année-là sur les ventes dans les boutiques. Ces retours concernaient avant tout des produits à forte valeur ajoutée. « Il paraît surprenant de constater que des cigarettes, parfums ou encore des whiskys fassent l’objet de retours systématiques de clients, et surtout pour de tels volumes », écrit l’expert. Les craintes de malversations portent sur le fait que nul se sait si ces produits ont effectivemment été rendus ou ce qu’ils sont devenus une fois retournés à la société. Le commissaire relève en effet une « absence systématique d’inventaire des produits retournés ». Quant aux justifications, lorsqu’elles existent, elles sont la plupart du temps évasives, voire fantaisistes.
Autre zone d’ombre, les écarts de caisse, c’est-à-dire la différence entre le chiffre d’affaires et l’argent effectivement récolté grâce aux ventes. Sur les quatre premiers mois de 2009, ces écarts concernaient 60 % du volume des transactions. Ils sont « simplement constatés sans être justifiés », s’étonne l’enquêteur.
La gestion des stocks aussi est nébuleuse. Chaque bateau commande ce qu’il veut, dans la quantité souhaitée. Peu importe si cela ne correspond pas du tout au volume d’activité. L’expert a ainsi observé sur un navire l’équivalent de trente mois de stocks d’une marque de champagne ! La suspicion de détournement est forte, car il n’est pas rare que ces commandes soient réalisées en dehors du circuit de contrôle, « au risque de ne pas être identifiées ».
D’après les documents dont nous avons pris connaissance, des « anomalies significatives » sont relevées depuis deux ans dans les comptes de l’entreprise, ainsi qu’une défaillance flagrante du système de contrôle en place. « SeaFrance a fermé les yeux pendant de trop nombreuses années », conclut une source proche du dossier. A combien est évalué le préjudice ? Difficile à dire. Dans sa plainte, l’avocat de SeaFrance parle de « centaines de milliers d’euros » rien qu’en 2008. Pour d’autres, la facture serait plutôt comprise entre un et trois millions d’euros par an.

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