Un État actionnaire qui laisse une société à la dérive, des conditions de privatisation contestables, un actionnaire, Veolia, dont la gestion est critiquée: un rapport parlementaire met en lumière un enchaînement d’erreurs pour expliquer les difficultés actuelles de la SNCM.
«Nous n’avons pas relevé
d’élément pénalement répréhensible qui nous obligerait à saisir la justice.
Mais la grande tendance du rapport, c’est la nullité de l’État actionnaire», a
déclaré à l’AFP Arnaud Leroy, député PS et président de cette commission
d’enquête parlementaire.
Selon Paul Giacobbi, député
corse PRG rapporteur de cette enquête, «au départ, il y a les mauvaises
conditions de privatisation. Puis une mauvaise gestion» de l’entreprise.
Outre la dégradation avant
2005 de la situation financière de la SNCM lorsqu’elle était à 100% publique,
le rapport de 97 pages souligne le «dénigrement» de l’État à l’égard de cette
compagnie.
Dans son avant-propos, le député
PS et président de la commission d’enquête Arnaud Leroy évoque un appel
d’offres «inopérant», lors de la procédure de privatisation de la compagnie en
2005-2006.
Seuls deux fonds financiers
avaient fait une offre, et 100% du capital de la SNCM avait alors été attribué
à l’un d’eux, Butler Capital Partners (BCP).
Un projet que le rapport juge
«peu judicieux et économiquement peu crédible», et qui s’était traduit par une
grève dure de plus de six semaines avec notamment le détournement d’un des
navires de la compagnie et des répercussions à Marseille.
Le gouvernement avait alors
mis en place «en toute urgence un +montage+ qui consistait à faire appel à
Veolia Transport en tant qu’opérateur industriel capable d’épauler BCP»,
rappelle encore Arnaud Leroy.
«Au moyen de cette
privatisation +à deux tours+, l’État a sans conteste cherché à se débarrasser
d’une compagnie qu’il n’avait jamais su correctement gérer et d’ailleurs
considérée de longue date comme socialement instable», ajoute-t-il.
«Le ver était dans le fruit»
La conclusion du rapport,
elle, indique qu'«en une décennie, l’État aura dépensé plus de trois cents
millions d’euros pour renflouer en capital ou en aides diverses la SNCM».
Le document souligne que «le
seul bénéficiaire financier de cette affaire est la société Butler Capital
Partners qui en a retiré une plus-value de soixante millions d’euros».
L’État a «conservé une part
de 25% tout en se désintéressant totalement du sujet. Il a été un +sleeping
partner+, voire un +losing partner+», a souligné Paul Giacobbi, pointant du
doigt une «erreur de comportement». Selon lui, «le ver était dans le fruit».
Veolia, actionnaire principal
de la compagnie maritime, est aussi critiqué: «l’inaction déroutante de Veolia
dans la gestion d’une société pourtant en difficulté a été constatée par tous»,
note le rapport.
Veolia a, selon M. Giacobbi,
«mal géré, pas tenu les engagements pris. Elle a été confrontée au contexte
très difficile, à un métier qu’elle ne connaissait pas réellement, et a fait
des erreurs d’appréciation».
Ainsi, cette décennie de
tentatives de rattrapages et de recapitalisation sera restée vaine: «nous en
sommes aujourd’hui au même point qu’en 2001 ou qu’en 2006», constatent les
députés.
Le rapport estime néanmoins
qu'«il serait vain et injuste de chercher à incriminer dans la sphère publique
comme dans la sphère privée tel ou tel».
En effet, «le simple fait que
de manière récurrente les mêmes erreurs aient été commises entraînant des
conséquences de plus en plus lourdes démontre suffisamment que l’absence de
lucidité ou de courage, la dilution des responsabilités, le recours à des
expédients et la faible résistance à la pression des évènements sont des
défauts partagés par tous les intervenants sur l’ensemble de la période».
Contacté par l’AFP, Veolia
n’a pas souhaité faire de commentaire.
De son côté, la ville de
Marseille a jugé ce rapport «scandaleux par son manque d’objectivité». «Cette
commission d’enquête n’est qu’un contre-feu que le gouvernement socialiste a
mis en place pour tenter de se décharger de ses responsabilités. S’il continue
dans cette voie, il devra assumer seul le naufrage de la SNCM», a réagi dans un
communiqué le premier adjoint, Roland Blum.
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