jeudi 19 janvier 2012

Veolia Transdev - Jérôme Gallot : "Le départ d'Augustin de Romanet risque de ralentir l'opération"




Pour le directeur général de Veolia Transdev, l'opération de cession des parts de Veolia qui souhaite se désengager de l'activité transport pourrait être retardée à cause de la vacance à la tête de la Caisse des dépôts, l'autre actionnaire principal. Nicolas Sarkozy a annoncé qu'il ne nommerait personne après le départ d'Augustin de Romanet le 7 mars, jusqu'au résultat de l'élection présidentielle de mai 2012. Interview.



Jérôme Gallot, directeur général de Veolia Transdev. © N.A
Mobilicités : L'actuel dirigeant de la Caisse des Dépôts, Augustin de Romanet, a indiqué récemment qu'il rejetait la candidature de tout opérateur industriel pour reprendre la part de Veolia Environnement dans Veolia Transdev. Vous confirmez ?

Jérôme Gallot : Il y a plusieurs explications au fait de ne pas rechercher un partenaire industriel. S'agissant d'opérateurs français, cela créerait des problèmes de concurrence et de position dominante. Pour les opérateurs étrangers, il existe également ce problème de concurrence et, par ailleurs, des partenaires industriels étrangers ne seraient peut-être pas reçus favorablement par les collectivités locales françaises. Troisième raison, très importante, Veolia Transdev est une entreprise autoportée, elle est son propre opérateur industriel et cela pourrait créer une difficulté supplémentaire si l'on recherchait un partenaire industriel.


Où en est l'opération de cession de la part de Veolia Environnement dans Veolia Transdev ?


Tout de suite après les annonces du 6 décembre (lire), Veolia Environnement a lancé rapidement un processus de recherche de candidats. Plusieurs grands fonds d'investissements se sont manifestés. Nous sommes actuellement dans un processus itératif avec ces grands fonds qui remettront des offres, non engageantes dans les prochaines semaines.


Avant le 7 mars et le départ annoncé d'Augustin de Romanet de la Caisse des Dépôts ?

Il est difficile à ce stade de dire si le processus peut aboutir avant le 7 mars. Mais on peut penser que le départ d'Augustin de Romanet et le probable intérim à la tête de la Caisse des Dépôts peut malheureusement, entraîner un décalage dans le temps de l'ensemble de l'opération.
L'actionnariat de Veolia Transdev est un sujet très important pour la Caisse des Dépôts qui a des droits liés au pacte d'actionnaire passé avec Veolia Environnement et, on peut penser que ce type de décision nécessite d'avoir un directeur général de la Caisse des dépôts de plein exercice.


Allez-vous attendre le retrait de Veolia pour rebaptiser le groupe ? Pour faire simple, ça pourrait être Transdev...

Nous souhaitons aller relativement vite sur ce sujet et toutes les options sont sur la table. Nous avons relancé les travaux sur le logo et sur un changement de nom. Nous pensons aboutir dans la première partie de l'année 2012.


L'organigramme a-t-il été officialisé ? Certains observateurs disent que ce n'est pas le cas.

Oui, il est arrêté et officiel. Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises. Les lignes hiérarchiques sont unifiées et le management aussi depuis le mois de septembre. Nous fonctionnons comme une entreprise intégrée et unifiée. La dernière étape juridique reste la création des nouvelles Instances représentatives du personnel (IRP) qui sera effective fin février 2012. Le dernier ajustement de l'organigramme, c'est peut-être à ça que vous faites allusion, c'est le fait qu'Antoine Hurel (directeur général adjoint ndlr) a quitté l'entreprise et que les fonctions qu'il assumait ont été reprises par Charly Beaumont, responsable de la performance et du commercial au niveau du corporate.


Vous dites avoir déjà un certain nombre de contacts avec des investisseurs potentiels. On se souvient que le groupe Keolis avait mis longtemps à stabiliser son actionnariat et à trouver des partenaires de long terme. Etes-vous plus optimistes ?

Je ferai pas de comparaison parce que je ne sais pas exactement ce qui s'est passé avec Keolis. Je le répète, un certain nombre d'investisseurs nous ont contacté marquant leur intérêt pour notre entreprise. J'ai travaillé dans le capital investissement précédemment et je sais par expérience que ce processus prend du temps, surtout quand il s'agit d'une entreprise de près de 120 000 personnes, présente dans 27 pays. Il ne faut pas raisonnablement s'attendre à des décisions sur l'actionnariat dans les toutes prochaines semaines. Une solution avant le 7 mars me parait très difficilement envisageable.


Le transport public est un secteur à faible rentabilité, n'est-ce pas un handicap supplémentaire pour la cession des parts de Veolia ?

C'est un secteur qui a en effet une rentabilité limitée et qui doit s'apprécier sur le long terme. Il ne se prête pas à un coup financier. Ce qui peut limiter le nombre de candidats. Mais l'expérience montre que le secteur peut intéresser des investisseurs. Par ailleurs, on peut imaginer que certaines exagérations du monde financier, privilégiant le court terme et la rentabilité immédiate, sont derrière nous. D'autant que nos métiers offrent de bonnes perspectives de développement. Dans plusieurs pays où nous sommes présents, cette croissance dépasse les 5% par an.


Les commentaires ont été assez durs au moment de l'annonce du retrait de Veolia Environnement. Certains anciens dirigeants de Transdev en ont profité pour critiquer la fusion elle-même. Comment tout cela a-t-il été vécu en interne et comment rassurez-vous vos salariés ?

Il ne faut pas mélanger les sujets d'actionnariat et les sujets de logique d'entreprise. En lisant un certain nombre de déclarations, je crois que certains observateurs qui soit n'avaient pas compris la logique de la fusion, soit y étaient opposés, en ont profité pour remettre le sujet sur la table au moment de l'annonce de la sortie d'un actionnaire.
Nous sommes une entreprise tournée vers ses clients, vers sa performance, pas vers son passé. On en a eu la preuve au dernier trimestre 2011, période pendant laquelle nous avons remporté trois milliards d'euros de contrats. Je dirai au personnel que la fusion lancée en 2010 et aujourd'hui aboutie, garde toute sa logique industrielle. Nous bâtissons un groupe à la fois global et local.
Dans l'annonce de la Caisse des Dépôts il y a un élément nouveau et majeur. Les accords de mars 2011 marquant le lancement du nouveau groupe prévoyaient une mise sur le marché d'une partie du capital, ce qui aurait diminué d'autant la part de chacun des deux partenaires, la faisant passer sous la barre des 50%.
Le fait que la Caisse des dépôts annonce qu'elle restera au moins à 50% du capital est donc une information nouvelle, de nature à rassurer un peu plus les salariés. Un actionnaire très important, très structurant, très inséré dans le monde local français, c'est un gage de stabilité pour l'entreprise et ses collaborateurs.
Enfin la Caisse des dépôts m'a dit qu'elle serait d'accord pour participer à une augmentation de capital que j'estime nécessaire pour le développement de notre entreprise. Tout ceci constitue un socle encourageant de nature à contrebalancer l'incertitude liée à l'annonce de la sortie totale ou partielle de Veolia environnement.


Pourquoi totale ou partielle ?

Parce que Veolia Environnement peut sortir en une fois s'il trouve un repreneur pour la totalité de sa participation. Ou bien de manière partielle ou échelonnée, notamment s'il ne suit pas une augmentation de capital car cela diluerait sa part.


Cette augmentation de capital est-elle décidée ?

Elle n'est pas décidée, mais elle est souhaitable vu le niveau de la dette de Veolia Transdev. Elle est également souhaitable pour financer le développement et les ambitions du plan stratégique à moyen terme adopté par les actionnaires fin 2011


Donc, vous ne craignez pas une démobilisation de vos salariés ?

Non. D'abord parce que je vois leur fierté de construire un acteur important, très significatif au plan international du monde du transport public. Je vois aussi leur forte mobilisation notamment depuis que tous les problèmes d'organisation interne ont été réglés cet automne. Nous avons gagné des contrats dans toutes les grandes zones géographiques ou nous sommes présents, aux Etats-unis, en Suède, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Asie. C'est extrêmement positif pour la mobilisation des salariés.


Le retrait de Veolia est aussi l'occasion de rassurer les élus, notamment ceux des SEM qui ont exprimé publiquement leur inquiétude au moment de la constitution d'un géant des transports publics ? Vous allez jouer sur cet argument ?

Je dirai à ceux qui s'inquiétaient d'une dilution des valeurs et de l'état d'esprit de Transdev dans un ensemble plus vaste que la Caisse des dépôts qui porte les mêmes valeurs, est loin de larguer les amarres. C'est un signal fort. Par ailleurs, nous sommes en train de créer la filiale qui va porter les participations de l'ex-Transdev dans les SEM.
Ceci étant dit, la marque Veolia jouait aussi un rôle très positif en France et à l'international, notamment aux Etats-Unis ou en Asie. Ce savoir-faire ne va pas disparaitre avec le retrait de Veolia Environnement.

 
Quels sont les principaux appels d'offres de transport en 2012 ?
Pour ce premier semestre, tous nos efforts sont concentrés sur Saint-Etienne et Nice dont nous sommes l'opérateur sortant. Nous avons également répondu à plusieurs appels d'offres départementaux comme en Gironde, dans la Manche, le Rhône et les Alpes-Maritimes. D'autres échéances nous attendent, comme Grenoble courant 2012.


En avril 2011, vous aviez annoncé un désengagement dans certains certains pays, suivant ainsi le cap décidé par Veolia Environnement : avez-vous commencé et cette stratégie va-t-elle se confirmer après la sortie définitive de Veolia Environnement ?

J'avais dit plus exactement que nous adoptions une stratégie de mobilité. L'idée c'est que, pour se développer dans les pays où nous sommes déjà implantés ou dans des zones comme l'Asie ou nous avons une stratégie opportuniste, il faut réduire la voilure sur d'autres marchés.

 
Les dirigeants de Ratp Dev ont indiqué récemment qu'ils étaient trés intéressés pour reprendre l'intégralité de la joint venture que vous possédez en Asie, à 50/50. Allez-vous leur céder votre part ?

Effectivement, les dirigeants de Ratp Dev m'ont dit qu'ils se réservaient le droit de faire jouer une clause du pacte d'actionnaires signée au moment de la création de cette joint venture. Cette clause, dite de changement d'actionnaire, fait actuellement l'objet d'un examen très approfondi de la part de nos services juridiques eu égard au fait qu'il y avait déjà eu une évolution importante de l'actionnariat (la fusion Veolia Transdev ndlr) depuis la création de cette joint venture.
Mais il y a le droit et il y a la réalité d'un partenariat, et le souhait de ses protagonistes. Je souhaite la poursuite de ce partenariat opérationnel. Je souhaite rester un opérateur de transport public en Asie et c'est sur cette base qui dépasse le strict cadre légal, que j'échangerai avec la RATP (lire les propos de Pierre Mongin sur le même sujet).

Propos recueillis par Robert Viennet et Nathalie Arensonas



Cherche repreneur désespérément
Fin 2010, quand l'Autorité française de la concurrence a donné son accord pour la fusion entre Veolia Transport et Transdev, elle l'a assorti de plusieurs conditions (lire). Parmi elles, la cession d'un certain nombre d'actifs en transport interurbain et urbain dans des régions où le nouveau groupe risquait d'occuper une position dominante. Veolia Transdev devait ainsi céder les réseaux urbains d'Aubagne, Salon-de-Provence, Fréjus-Saint-Raphaël et Carpentras.

Un an après cette décision, ces cessions ne sont toujours pas effectives : "Les collectivités locales ont le pouvoir de refuser que leur contrat de gestion soit transféré a un autre opérateur. Dans le Sud-Est, les collectivités auxquelles nous nous sommes adressées ne l'ont pas souhaité. Nous sommes en train de regarder des actifs de substitution. Nous le faisons avec le mandataire qui a été désigné par l'autorité de la concurrence", explique Jérôme Gallot.

Le groupe n'a aucun intérêt à voir cette situation perdurer. Car s'il ne trouve pas de repreneur avant l'échéance des contrats, il ne pourra pas candidater lors de leur renouvellement. "Ce serait un échec pour nous, mais aussi pour la concurrence car ce n'est pas une bonne solution que d'interdire à un concurrent de candidater", déplore le directeur général de Veolia Transdev.

R.V.

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