SeaFrance : « Nous allons y aller par étapes successives »
crédits : LE TELEGRAMME / PHILIP PLISSON
|
13/06/2012
Jean-Michel Giguet dévoile sa feuille de route. L'ancien président
du directoire de Brittany Ferries va piloter la Scop, chargée
d'exploiter SeaFrance, dont les actifs ont été attribués lundi à
Eurotunnel par le tribunal de commerce de Paris. L'ancienne filiale de
la SNCF, dont la liquidation judiciaire a été prononcée en janvier
dernier, va connaître un nouveau départ avec trois navires : les ferries
Rodin et Berlioz, ainsi que le fréteur Nord-Pas-de-Calais. Interrogé
par notre consoeur Catherine Magueur, du Télégramme, Jean-Michel Giguet
explique comment la compagnie va remonter en puissance.
______________________________________________
Le
tribunal de commerce de Paris a décidé lundi d'attribuer à Eurotunnel
l'exploitation des trois navires de SeaFrance entre Douvres et Calais,
par le biais d'une Scop, une coopérative ouvrière que vous allez
piloter. Quelle est votre réaction ?
JEAN-MICHEL GIGUET
: Je suis très satisfait à titre personnel, satisfait à l'égard
d'Eurotunnel, qui s'est lancé dans cette activité, et évidemment
satisfait de voir une solution pour les ex-salariés de Seafrance qui
vont demain, pour une partie d'entre eux, retrouver du travail et de
l'espoir. Aujourd'hui, je me dis : « Ça valait la peine de se battre !
».
Quel est le détail des opérations ?
L'offre d'Eurotunnel, c'était de reprendre, pour 65 millions
d'euros, la totalité des actifs, c'est-à-dire les navires portés par
une société qui ensuite les affrétera à la Scop, qui est dans cette
affaire l'armateur, la société chargée d'assurer le transport des
passagers et du fret. Les actifs comportent aussi le système de
réservation fret et passagers, le système de gestion et le fichier
clients. La société commerciale portera le nom de SeaFrance.
Quand les bateaux vont-ils pouvoir reprendre la mer ?
Ils sont arrêtés depuis huit mois. Nous allons d'abord procéder à
des arrêts techniques courts pour le Berlioz et le Rodin, pour pouvoir
retrouver les certificats de navigation, remettre ces navires aux normes
et aux standards tels que la clientèle peut l'exiger. Nous allons donc
procéder à des travaux de propreté et de sécurité, afin qu'ils puissent
assurer dans les meilleures conditions le transport de passagers sur le
détroit. J'espère pouvoir les remettre en service pour la mi-juillet,
afin de profiter encore de la saison et de l'afflux de passagers lié aux
vacances d'été en Angleterre.
Combien de salariés allez-vous recruter ?
Malheureusement, tous les anciens salariés de SeaFrance ne vont pas
immédiatement retrouver un travail. Il va falloir un peu de patience,
cela fait partie de la complexité de la remise en service de la
compagnie. Nous allons y aller par étapes successives. Les remises en
service du Rodin et du Berlioz supposent le recrutement, dans un premier
temps, de 250 navigants pour ces deux bateaux. Il faudra aussi recruter
du personnel pour gérer les opérations portuaires à Calais. Et nous
avons également besoin de reconstituer les équipes commerciales, afin de
remettre le client au centre de nos préoccupations. Car, dans ces
histoires, le client semble avoir été complètement abandonné. Par
ailleurs, la Scop devient une entreprise calaisienne. Le siège, qui
était à Paris, va être transféré à Calais, ce qui impliquera l'embauche
de personnels administratifs.
Vous parlez d'une première étape. Quelle sera la suite ?
Dans un second temps, nous allons remettre le Nord-Pas-de Calais en
service. Le navire va subir, cet été, un arrêt technique complet pour
afin qu'il soit disponible après la saison, probablement en septembre.
L'intérêt est que nous pourrons alors procéder aux arrêts techniques des
Rodin et Berlioz, en janvier prochain. Le Nord-Pas-de-Calais pourra les
remplacer. Dans le même temps, il y aura une montée en puissance des
effectifs pour atteindre l'objectif d'environ 520 à 550 salariés à
l'horizon 2013, quand tout sera mis en service. Nous recruterons aussi
70 personnes en Angleterre, où nous conservons une filiale, pour les
activités commerciales et marketing, ainsi que les opérations portuaires
à Douvres.
La décision du tribunal de commerce de
Paris a été reportée à plusieurs reprises. On évoquait, notamment, le
problème des créances de SeaFrance vis-à-vis de son ancienne
maison-mère, la SNCF. Certains journaux ont évoqué le chiffre de 180
millions d'euros, une somme dont le groupe ferroviaire aurait fait le
deuil afin de permettre la reprise de SeaFrance. Quelles sont vos
informations à ce sujet ?
Je n'ai pas d'informations
précises. Il s'agit d'un accord avec le tribunal, cela concerne la SNCF
et le ministère de tutelle.
Le nouveau ministre des
Transports, qui était maire de Boulogne avant d'entrer au gouvernement,
ne semblait pas convaincu, il y a quelques semaines, par le projet de la
Scop. Pourtant, lundi, Frédéric Cuvillier a salué « Une solution
pérenne sur le plan économique et favorable à l'emploi ». Qu'en
pensez-vous ?
Il a bien compris que la Scop allait
fonctionner de manière sérieuse et normale, c'est-à-dire qu'il s'agit
d'une SA avec un mode de gouvernance classique. La différence, c'est que
les salariés sont actionnaires de la Scop, donc responsables
collectivement des résultats. Les salariés feront un apport personnel au
capital de la Scop pour démontrer qu'ils ont une réelle conviction et
une réelle motivation dans le fait que la société puisse dégager des
profits. Ils participent à titre individuel, au capital, à hauteur de
5000 euros. C'est un moyen de démontrer qu'ils croient au système et à
une activité entre Douvres et Calais.
La gestion de
SeaFrance a fait l'objet de beaucoup de critiques. Est-ce aujourd'hui un
nouveau départ ? Quel est l'état d'esprit des anciens salariés ?
J'en ai rencontré beaucoup. Ce sont des gens à qui ont va pourvoir
redonner une fierté d'appartenir à une compagnie alors qu'ils ont été
passablement maltraités par des amalgames qui ont été faits et qui ne
concernent pas la grande majorité des salariés de SeaFrance. Ceux-ci
sont des gens compétents, sérieux, des marins, des gens de métier.
______________________________________
Propos recueillis hier par Catherine Magueur
© Le Télégramme, juin 2012