La synthèse confidentielle des
groupes de travail sur l’avenir de la SNCM témoigne de noires perspectives que
lui réserve son actionnaire Transdev. (Photo Thibaud Teillard)
L’intersyndicale
de la SNCM appelle à partir de mercredi 26 mars à faire grève pour s’opposer
aux plans de son actionnaire Transdev (filiale de Veolia et de l’Etat, via la
Caisse des dépôts). A quelques jours (31 mars) de la clôture des comptes –
toujours non certifiés par les commissaires aux comptes - de la compagnie, la
convocation d’une assemblée générale pour modifier le conseil de surveillance
qui destituerait dans la foulée le directoire semble être le scénario écrit par
Transdev pour conduire la SNCM devant le tribunal de commerce.
L’actionnaire
Veolia, de la bouche même de son PDG Antoine Frérot le 27 février, évoque
pudiquement cette solution comme une "protection".
Protection ? A la lecture de la synthèse confidentielle (dont Le Marin s’est procuré une
copie) des groupes de travail sur l’avenir de la SNCM initiés en novembre et
décembre par l’Etat en présence des seuls actionnaires Transdev et rédigée par
le cabinet Accuracy sous le singulier nom de projet "Croisière", on peut
s’interroger sur la nature de cette protection. Dans ce document daté du 12
décembre, qui n’a pas fait l’objet de conclusions validées, deux scénarios sont
étudiés.
La
"continuité", qui suppose le cantonnement des amendes européennes,
prévoit des "ajustements
et sensibilités" au plan long terme (PLT) préparé par la
direction. En clair : le projet revoit à la baisse toutes les prévisions du PLT
en remettant en cause tous les chiffrages du cabinet PriceWaterhouseCooper.
Il va
bien au-delà en supprimant un navire sur le Maghreb (alors qu’il n’y en a qu’un
hors saison) et écrit qu’il a été "pris
en compte un arrêt du réseau Toulon-Corse », soit la suppression de 210
équivalents temps plein". Mais cette fermeture de Toulon "n’est intégrée qu’à compter de
2016 afin de ne pas remettre en cause le pacte social".
Autrement
dit : les salariés ont voté en décembre 2013 pour un pacte social réduisant les
effectifs de la compagnie de 515 salariés sans départs contraints mais, pour
leur actionnaire et sans le dire, une deuxième couche est à venir.
Le
scénario de "discontinuité" est quant à lui dramatique pour la SNCM.
Le plan "Croisière" optait pour un redressement judiciaire fin
décembre avec, dans un point d’étape au 29 novembre (dont Le Marin s’est également
procuré une copie), une annexe édifiante: l’impact d’un mois de grève était
déjà anticipé financièrement (3,4 millions d’euros) avant même que les
syndicats aient déposé le moindre préavis.
Ce
redressement devait s’achever fin avril par une liquidation et le transfert de
la délégation de service public Corse dans une nouvelle structure limitée à
quatre cargos. Effectifs prévus : 425 CDI, zéro CDD contre 2 000 emplois
actuellement à la SNCM.
Pour
arriver à ces effectifs divisés par quatre, le plan "Croisière"
indique que parmi les "travaux
restant à réaliser" figure "l’estimation préliminaire de la
part des coûts du plan de sauvegarde de l’emploi qui serait pris en charge par
les AGS", autrement dit le régime de garantie des salaires
qui intervient en cas de procédure collective (redressement, liquidation
judiciaire ou encore, sous certaines conditions, en procédure de sauvegarde)
pour suppléer la déficience de l’employeur.
Des
groupes comme Transdev et Veolia, qui vivent pour l’essentiel de la subvention
publique, préféreraient donc passer par les AGS (financées par les cotisations
sociales) qui ne payent que les minimas légaux très en dessous des conventions
collectives.
Ce
plan dit de discontinuité n’a pas été validé par l’Etat mais l’attitude de
Transdev lors des trois derniers conseils de surveillance (vote contre le PLT)
prouve qu’il est toujours privilégié côté actionnaire. Une autre preuve ? Dans
la publication de ses résultats 2013 le 27 février, Veolia écrit noir sur blanc
: "En raison des
contentieux en cours, le Groupe considère que la meilleure traduction comptable
de son exposition au titre de sa détention indirecte dans la SNCM est de
reconnaître les montants qui devraient être décaissés dans le scénario le plus
probable, à savoir, une procédure collective appropriée avec plan de cession
associé à une transaction."