mardi 25 mars 2014

EXCLUSIF "LE MARIN" - Le plan de Transdev pour une SNCM liquidée ou peau de chagrin


La synthèse confidentielle des groupes de travail sur l’avenir de la SNCM témoigne de noires perspectives que lui réserve son actionnaire Transdev. (Photo Thibaud Teillard)
L’intersyndicale de la SNCM appelle à partir de mercredi 26 mars à faire grève pour s’opposer aux plans de son actionnaire Transdev (filiale de Veolia et de l’Etat, via la Caisse des dépôts). A quelques jours (31 mars) de la clôture des comptes – toujours non certifiés par les commissaires aux comptes - de la compagnie, la convocation d’une assemblée générale pour modifier le conseil de surveillance qui destituerait dans la foulée le directoire semble être le scénario écrit par Transdev pour conduire la SNCM devant le tribunal de commerce.

L’actionnaire Veolia, de la bouche même de son PDG Antoine Frérot le 27 février, évoque pudiquement cette solution comme une "protection". Protection ? A la lecture de la synthèse confidentielle (dont Le Marin s’est procuré une copie) des groupes de travail sur l’avenir de la SNCM initiés en novembre et décembre par l’Etat en présence des seuls actionnaires Transdev et rédigée par le cabinet Accuracy sous le singulier nom de projet "Croisière", on peut s’interroger sur la nature de cette protection. Dans ce document daté du 12 décembre, qui n’a pas fait l’objet de conclusions validées, deux scénarios sont étudiés.

La "continuité", qui suppose le cantonnement des amendes européennes, prévoit des "ajustements et sensibilités" au plan long terme (PLT) préparé par la direction. En clair : le projet revoit à la baisse toutes les prévisions du PLT en remettant en cause tous les chiffrages du cabinet PriceWaterhouseCooper.

Il va bien au-delà en supprimant un navire sur le Maghreb (alors qu’il n’y en a qu’un hors saison) et écrit qu’il a été "pris en compte un arrêt du réseau Toulon-Corse », soit la suppression de 210 équivalents temps plein". Mais cette fermeture de Toulon "n’est intégrée qu’à compter de 2016 afin de ne pas remettre en cause le pacte social".
Autrement dit : les salariés ont voté en décembre 2013 pour un pacte social réduisant les effectifs de la compagnie de 515 salariés sans départs contraints mais, pour leur actionnaire et sans le dire, une deuxième couche est à venir.
Le scénario de "discontinuité" est quant à lui dramatique pour la SNCM. Le plan "Croisière" optait pour un redressement judiciaire fin décembre avec, dans un point d’étape au 29 novembre (dont Le Marin s’est également procuré une copie), une annexe édifiante: l’impact d’un mois de grève était déjà anticipé financièrement (3,4 millions d’euros) avant même que les syndicats aient déposé le moindre préavis.

Ce redressement devait s’achever fin avril par une liquidation et le transfert de la délégation de service public Corse dans une nouvelle structure limitée à quatre cargos. Effectifs prévus : 425 CDI, zéro CDD contre 2 000 emplois actuellement à la SNCM.
Pour arriver à ces effectifs divisés par quatre, le plan "Croisière" indique que parmi les "travaux restant à réaliser" figure "l’estimation préliminaire de la part des coûts du plan de sauvegarde de l’emploi qui serait pris en charge par les AGS", autrement dit le régime de garantie des salaires qui intervient en cas de procédure collective (redressement, liquidation judiciaire ou encore, sous certaines conditions, en procédure de sauvegarde) pour suppléer la déficience de l’employeur.

Des groupes comme Transdev et Veolia, qui vivent pour l’essentiel de la subvention publique, préféreraient donc passer par les AGS (financées par les cotisations sociales) qui ne payent que les minimas légaux très en dessous des conventions collectives.
Ce plan dit de discontinuité n’a pas été validé par l’Etat mais l’attitude de Transdev lors des trois derniers conseils de surveillance (vote contre le PLT) prouve qu’il est toujours privilégié côté actionnaire. Une autre preuve ? Dans la publication de ses résultats 2013 le 27 février, Veolia écrit noir sur blanc : "En raison des contentieux en cours, le Groupe considère que la meilleure traduction comptable de son exposition au titre de sa détention indirecte dans la SNCM est de reconnaître les montants qui devraient être décaissés dans le scénario le plus probable, à savoir, une procédure collective appropriée avec plan de cession associé à une transaction."