mercredi 22 février 2012

Veolia : Antoine Frérot, la nouvelle victime de Proglio


Après avoir liquidé Lauvergeon chez Areva, le PDG d’EDF veut virer son successeur à la tête de Veolia pour le remplacer par Jean-Louis Borloo.

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Antoine Frerot (LIONEL CIRONNEAU/AP/SIPA)
Antoine Frerot (LIONEL CIRONNEAU/AP/SIPA)

C’était en octobre dernier. La mine fatiguée, Antoine Frérot, 53 ans, patron de Veolia recevait dans le grand bureau laissé par son prédécesseur Henri Proglio. Mais pouvait-il imaginer que quatre mois plus tard, celui qui l’avait fait roi, son ancien mentor, manœuvrerait sans discrétion pour le faire chuter ? Voilà plusieurs mois déjà que Proglio, parti diriger EDF, ne cachait plus sa colère envers son successeur à la tête du numéro 1 mondial de l’eau. Il n’a jamais supporté de voir son héritage remis en cause et son empire en partie démantelé avec la vente annoncée de la branche transports. Il voulait remplacer Frérot et a trouvé un candidat : Jean-Louis Borloo, qui a foncé tête baissée.
Au lieu de prendre leur temps, de faire entrer l’ancien ministre au conseil d’administration, puis de le laisser se familiariser avec les affaires de Veolia, les deux hommes ont voulu précipiter la manœuvre. "Quand Nicolas Sarkozy a demandé à Proglio de reprendre Photowatt, le fabricant de panneaux solaires en dépôt de bilan, le patron d’EDF a pensé qu’il avait une fenêtre de tir inespéré. Il n’était pas sûr d’avoir encore les mains libres en mai, si Hollande passait, et il a estimé qu’à ce moment précis, Sarkozy ne pouvait rien lui refuser", décrypte un proche du dossier.
Le secret n’a pas été longtemps gardé. Lundi 20 février, l’arrivée potentielle de Borloo chez Veolia a fait la Une des journaux. Qui a trahi la confidence ? Quelqu’un qui avait intérêt à barrer la route à Borloo. L’un des nombreux administrateurs visités par Proglio pour compter ses soutiens lors du prochain conseil, le 29 février ? L’opération risque toutefois de tourner court. "Le remplacement de Frérot n’est pas à l’ordre du jour du prochain conseil", affirme un administrateur. Et l’Elysée apprécie peu qu’on l’implique dans cette manœuvre.
Pour Antoine Frérot, qui a effectué la quasi-totalité de sa carrière dans le groupe, la pilule est amère. Le voilà déstabilisé par celui dont il doit gérer l’héritage. Il estime que Veolia est plombé par une dette trop lourde et doit faire le tri dans ses multiples filiales déficitaires. Il voudrait vendre à Augustin de Romanet, le patron de la Caisse des dépôts, sa participation dans leur filiale commune de transport Veolia Transdev. Mais, ce dernier refuse. Romanet qui va quitter la Caisse des Dépôts veut être nommé à la tête de l’assureur la CNP. Et il a besoin du soutien d’Henri Proglio, opposé à l’opération Transdev. Un coup dur pour Frérot. Il sait que Proglio "ne le lâchera pas", confie un proche. Personne n’est dupe de la gravité de la situation dont il a hérité, mais personne n’est sûr qu’il peut la redresser.
Caroline Michel - Le Nouvel Observateur 
Caroline Michel
Par Caroline Michel

Parachutage de Borloo: Veolia à vau-l'eau


Parachutage de Borloo: Veolia à vau-l'eau
La polémique du parachutage de Borloo n'est qu'une des difficultés que rencontre Veolia.
REUTERS

Au-delà de la rumeur du parachutage de Borloo, le leader mondial de l'environnement s'enfonce dans les difficultés. Sa situation financière s'aggrave et, désormais, le sort de son président est en jeu. 

J-7: les jours d'Antoine Frérot à la tête de Veolia Environnement paraissent comptés. Le conseil d'administration du 29 février, qui se tiendra à la veille de l'annonce de très mauvais résultats, pourrait entériner le départ du dauphin d'Henri Proglio. Même si les fuites parues dans la presse en début de semaine compliquent le parachutage d'un Jean-Louis Borloo, pressenti pour le poste, la révocation du PDG, promu il y a quatorze mois, ne peut plus être exclue. Officiellement, on lui reproche son incapacité à redresser rapidement un groupe en difficulté majeure. Mais officieusement, son éviction servirait d'autres intérêts. 
Ce rebondissement met en scène, une fois de plus, l'immixtion du pouvoir politique dans la gestion des principales entreprises françaises, la mobilisation des réseaux et des clans pour s'arroger le pouvoir et se distribuer les postes. Il illustre aussi un trait saillant de la Sarkozie, sa proximité avec les grands patrons, et son irrépressible besoin de tirer les ficelles du capitalisme français. 
La crainte de Frérot de ne pas hériter des pleins pouvoirs et du titre de PDG l'a tout simplement paralysé 
Le départ d'Antoine Frérot marquerait le dernier avatar d'un feuilleton déclenché, en 2009, avec la polémique de la double casquette de Henri Proglio, désireux de cumuler la présidence de Veolia et celle d'EDF. Il serait aussi l'épilogue d'une succession mal préparée. D'abord nommé directeur général, Frérot a passé un an... à ne pas contrarier son mentor. "La crainte de ne pas hériter des pleins pouvoirs et du titre de PDG l'a tout simplement paralysé", observe un dirigeant de Veolia. Ainsi, l'ombre écrasante de Henri Proglio, le véritable bâtisseur du numéro un mondial des services aux collectivités, l'a-t-elle empêché de nommer une équipe à sa main tout comme de prendre des décisions radicales. 
Les troupes ont perdu confiance
Pour celui qui fut intronisé PDG en décembre 2010, 2011 aurait dû être l'heure de la consécration. Elle a finalement été une annus horribilis: deux avertissements sur résultat en douze mois, des dépréciations d'actifs, la perte d'importants contrats, la découverte d'une fraude massive aux Etats-Unis et, pour finir, l'annonce, le 8 décembre dernier, d'un plan de cessions draconien mais insuffisant. En Bourse, l'action a continué de dévisser: son cours a encore été divisé par deux en 2011. 
Au siège de l'avenue Kléber, les troupes, inquiètes par la situation désastreuse de l'entreprise, ont perdu confiance. Ces derniers mois, de plus en plus de cadres de la maison rendaient visite en voisin au patron d'EDF, toujours prêt à recevoir ses anciens collaborateurs pour recueillir leurs doléances. Henri Proglio aussi ne cachait plus son inquiétude. En fin d'année, elle a fait place à de la colère lorsqu'il découvre alors le nouveau plan stratégique de son successeur pour sauver la maison. Celui-ci prône la cession de la branche transport et le retrait du groupe d'une quarantaine de pays. Autrement dit, il renie l'héritage et met en relief les erreurs de son prédécesseur. 
C'en est trop. Voilà Proglio décidé à évincer son ancien protégé. Selon Libération du 20 février, les manoeuvres étaient en cours. Le quotidien révèle un accord secret "Proglio-Sarkozy", imaginant un putsch: le débarquement d'Antoine Frérot et le parachutage de l'ancien ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo. Qualifié d'"absurde" par le chef de l'Etat, démenti par l'ex-ministre, ce schéma éventé paraît avoir, à présent, du plomb dans l'aile. 
Proglio appelle Borloo "mon frère"
Sur le papier, il n'avait pourtant rien d'incongru. Pour au moins trois raisons. Tout d'abord, Proglio et Borloo sont proches. Si proches, que le premier appelle le second "mon frère". Sa fille occuperait d'ailleurs un poste chez Veolia en Asie. Ce plan constituait, de surcroît, un joli retour d'ascenseur à l'égard de Borloo qui a beaucoup oeuvré, il y a deux ans, pour la nomination de Proglio à la tête d'EDF. Dans cette hypothèse, deux dirigeants de haut vol auraient épaulé l'homme politique. Denis Gasquet, actuel directeur général exécutif de Veolia, et un financier aguerri, recruté à l'extérieur. 
Au PS, Proglio est surnommé "Ne passera pas l'hiver" 
Ensuite, cette opération aurait permis à Proglio de reprendre la main sur son ancien groupe alors que sa situation chez EDF apparaît fragile. L'hypothèse d'une victoire de François Hollande le menacerait. Au Parti socialiste, Proglio est déjà surnommé "PPH" (Ne passera pas l'hiver). Enfin, le plan avait le mérite pour Nicolas Sarkozy de ménager son ancien allié et de séduire les électeurs du Parti radical. 
A présent, quoi qu'il arrive, ce mauvais feuilleton laissera des traces. Il dessert le chef de l'Etat. Le PS comme l'ensemble des autres partis ont aussitôt dénoncé les "petits arrangements entre amis du Fouquet's", et "un mépris de la République". L'un des grands banquiers de la place qui, dès le 20 février au matin, alertait par SMS le socialiste Michel Sapin, évoque un condensé "de la vengeance publique et politique, des coups bas fomentés par des visiteurs du soir". L'affaire démonétise aussi, en plein lancement de sa campagne, la parole du président. Voilà quelques semaines, au nom d'une République irréprochable, il s'était engagé, lors des voeux aux parlementaires, à ne procéder à aucune nomination à la tête d'une grande entreprise publique avant l'élection présidentielle. Raison de plus pour ne pas se mêler de la gouvernance d'un groupe privé.  

Les conflits sociaux grèvent les chances de la SNCM


Alors qu'est étudié le nouvel appel d'offres, la compagnie marseillaise affiche l'image d'une entreprise qui peine à se

Le syndrome SeaFrance guette-t-il la SNCM ? La question se pose avec de plus en plus d'insistance à Marseille, alors qu'un énième bras de fer oppose la CGT et la direction au sujet cette fois de l'ouverture d'une liaison entre Toulon et la Corse. Les marins grévistes qui bloquaient à quai le navire destiné à cette ligne ont été délogés jeudi par les forces de l'ordre après trois semaines d'occupation, mais ils maintiennent la pression. Ils ont appelé samedi à cesser le travail vendredi prochain, date du conseil de surveillance de la SNCM. Dans leur ligne de mire : la compagnie low cost concurrente, Corsica Ferries.
En battant pavillon italien tout en bénéficiant des aides dites sociales de la collectivité corse, lui permettant de pratiquer des tarifs préférentiels pour certaines catégories de passagers au départ de Nice et Toulon, « Corsica Ferries produit de la concurrence déloyale avec un modèle économique et social low cost », dénonce le secrétaire des marins CGT, Frédéric Alpozzo. Le syndicat réclame donc le maintien d'un service public de continuité territoriale dans le transport maritime entre la Corse et le continent et l'adoption d'une loi protectionniste imposant aux navires de travailler en France avec un pavillon français de premier registre qui assujettit tous les armateurs aux mêmes règles sociales et fiscales. L'amendement déposé dans ce sens au Sénat par le groupe communiste a été rejeté en janvier.

Veolia amorce son retrait

Ce nouveau rapport de force tombe au plus mal pour l'armateur marseillais, qui accumule les mauvaises nouvelles depuis un an. Début 2011, un conflit de 47 jours avait secoué la compagnie sur fond de craintes d'un démantèlement. En novembre, après une longue bataille judiciaire, son contrat de délégation de service public (avec la CMN) a été annulé. Puis, en décembre, Veolia, son actionnaire de référence, a amorcé son retrait en annonçant vouloir se recentrer sur ses coeurs de métier.
Dans ce contexte, la bataille pour la nouvelle DSP s'annonce des plus rudes, alors que Corsica Ferries bénéficie désormais aux yeux des Corses d'une meilleure régularité de service et d'une flotte plus moderne et mieux adaptée aux besoins croissants de transport de fret. Si elle veut s'aligner, la SNCM devra débourser pas moins de 800 millions d'euros pour remplacer ses navires, dont plusieurs sont âgés de plus de 25 ans. Ses actionnaires (Transdev-Veolia, l'Etat et les salariés) ont posé comme préalable aux investissements la négociation d'un nouveau pacte social permettant plus de productivité, de souplesse d'exploitation et de fiabilité de service. Aux yeux de certains observateurs corses, l'impossibilité d'ouvrir la ligne Toulon-Bastia dans des conditions normales de discussion est « un nouveau "stress test" qui a montré les limites de la collaboration possible entre la direction et ses salariés. »
Paul molga, Les Echos
CORRESPONDANT À MARSEILLE

Veolia Transdev dans la tourmente VE


Les valeureuses équipes de Veolia-Transdev n’ont pas fini de souffrir. D’abord une fusion peu évidente, il y a trois ans, dont on sait malgré les démentis d’Augustin de Romanet qu’elle fut imposée par les plus hautes autorités de l’Etat; ensuite la modification du pacte d’actionnaires, il y a un an, qui bouleversa le management; puis, en novembre, l’annonce du retrait à terme de Veolia Environnement. Mobilettre a tenu de ces événements une chronique attentive, engagée, réaliste surtout, avec un axe nourri d’une analyse attentive des prises de décision: les enjeux industriels sont passés au second plan, derrière des intérêts financiers, politiques et personnels.
Nous avons annoncé tard ce samedi 18 février, dans notre lettre confidentielle Mobitelex à l’attention de nos abonnés et des médias, le projet d’Henri Proglio de débarquer Antoine Frérot de la présidence de Veolia Environnement, le 29 février prochain, et de le remplacer par Jean-Louis Borloo. Parce que nous étions sûrs de nos sources, bien sûr, mais aussi parce que l’histoire était écrite: Henri Proglio ne resterait pas inerte. Pour croire au redressement du leader mondial des services aux collectivités, il faut aux administrateurs de la confiance: confiance en la stratégie de recentrage d’Antoine Frérot sur trois métiers, confiance en sa capacité à se défaire convenablement des parts de VE dans Veolia Transdev. Henri Proglio n’a pas confiance, ne veut pas accorder sa confiance. Il a décidé de tuer Antoine Frérot.
On pourra poser une énième fois la question des conseils d’administration des grandes entreprises; celle de Veolia Environnement est éloquente et laisse la porte ouverte à toutes les manœuvres parisiennes. On pourra encore et encore dénoncer l’incroyable pouvoir des hommes politiques, qui d’un accord verbal donnent des blancs-seings à des opérations habilement drapées d’ambitions stratégiques – mais au final bassement personnelles. Il faudra surtout se poser la question des dégâts industriels et humains. Pour prendre l’exemple que nous connaissons le mieux, celui de Veolia Transdev, on reste pantois devant la perte de valeur économique de l’entreprise, le saccage de l’image à l’extérieur, le désarroi de ses salariés.
J’ai rencontré fin décembre Jérôme Gallot, assez fâché de la mauvaise réputation faite à son groupe par les chroniques de Mobilettre, mais surtout désireux de montrer que lui et ses équipes avaient reconstruit une identité à Veolia Transdev, que l’imminence d’un nouveau nom allait consacrer. Nous en étions convenus, et plusieurs signes tangibles ces dernières semaines nous laissaient penser qu’il y avait effectivement quelques raisons d’espérer en des jours meilleurs. Pourtant, je n’avais pu m’empêcher de lui dire que d’autres événements pourraient encore doucher son enthousiasme…
Malheureusement, les faits sont têtus: Veolia Environnement n’est pas arrivé au bout de sa crise. Et Veolia Transdev devra encore attendre avant de disposer de la sérénité indispensable à l’exercice de ses métiers. Le 29 février la holding VE aura peut-être une nouvelle gouvernance, mais sa filiale VTD attendra avec impatience qu’elle lui donne la possibilité de voguer vers d’autres horizons. Sans elle.
Gilles Dansart

jeudi 2 février 2012